Le Parc National de Kahuzi Biega est en disparition. Dans ce patrimoine Mondial de l’UNESCO, plusieurs gisements des minerais ont été découverts, des bois sont coupés pour la fabrication des braises et des planches. Des marchés des produits lignés et non lignés issus de se parc sont florissants sous l’œil impuissants des autorités et du partenaire WCS ( Willife Conservation Society ) qui a la gestion de ce parc. A l’allure où vont les choses, le pire est à craindre si rien n’est fait. Plusieurs organisations et défenseurs de l’environnement alertent et veulent voir le contrat de gestion sous Partenariat Public Privé de ce parc être évalué car estiment-ils « le complot contre ce parc » est visible en faveur de ceux des pays voisins.
Le PNKB, un patrimoine mondial oublié
A l’Est de la République Démocratique du Congo, le Parc National de Kahuzi-Biega, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis les années 1980, est l’une des plus importantes réserves de biodiversité du pays. Situé dans la province du Sud-Kivu, le PNKB abrite une faune et une flore exceptionnelles, notamment les gorilles des plaines de l’Est, une espèce en danger critique d’extinction. Cependant, ce trésor naturel fait face à des menaces croissantes liées à l’exploitation illégale de ses ressources, menaçant l’intégrité écologique du parc. L’insécurité dans et au tour du parc est principalement alimentée par l’extraction et le commerce illégal de ses ressources naturelles abondantes et de plus en plus recherchées (faune, bois, charbon de bois, or, coltan, étain et tungstène).
WCS, incessible « aux cris » de ce parc
Des informations reçues des acteurs de la Société Civile ou encore d’autres activistes de l’environnement font état des groupes armés, des communautés riveraines et quelques individus qui y exploitent du bois et des minerais. Tout ceci se fait sous l’œil impuissant des autorités de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) ou encore celles de WCS pourtant principaux gestionnaires de ce patrimoine.
L’or et le bois un vrai business
En septembre dernier, l’organisation Initiative pour la Protection des Droits de l’Homme et le Réinsertion Sociale (IPDHOR Asbl) avait fait une correspondance d’alerte adressée aux autorités sur ce qui se passe au PNKB, où la biodiversité unique est menacée par l’exploitation illégale des matières précieuses. Selon elle, chaque semaine 1 500 arbres sont abattus et plus 3 000 planches vendues. Dans cette alerte, l’organisation révèle que ce dernier temps, le transport de bois et de braises vers les villes de Bukavu et Goma s’est intensifié.
Ceci a pour conséquence, selon l’organisation, le risque de réchauffement climatique incontrôlable, perte irréversible d’un écosystème vital, menace directe sur les moyens de subsistance des populations locales.
La faune n’est pas épargnée
Dans le territoire de Kalehe au Sud-Kivu en RDC, occupé par plus de 450 000 habitants le parc vit une situation plus alarmante où des hommes incontrôlés en arme qui écument la région, s’installent dans le parc pour exploiter illégalement les minerais tels que le coltan, l’or et la cassitérite. Cette exploitation provoque une destruction massive de la flore, fragilisant ainsi l’habitat naturel des espèces menacées.
Valet Chebujongo, un Défenseur de Droits Humains dans le territoire de Kalehe et résident du milieu a même écrit une lettre sur cette situation qu’il présente comme menace pour toute une nation. Pour lui, la coupe illégale de bois et le braconnage au PNKB accentuent la pression sur les écosystèmes.
Plusieurs observateurs craignent non seulement le risque de la disparition de certaines espèces, et aussi la menace érosive que les champs et habitations des peuples riverains. Ce constant ressort de la correspondance rédigée en septembre de l’année 2024 par Valet Chebujongo, Défenseur de Droits Humains et protecteur de l’environnement dans son secteur de Kalehe.
« L’exploitation illégale du parc a des conséquences désastreuses sur l’environnement. La déforestation mène à l’érosion des sols et à la destruction des zones humides, exacerbant les risques de glissements de terrain et d’inondations dans les régions environnantes. En détruisant les habitats naturels, ces activités perturbent également les cycles biologiques des espèces, accélérant leur extinction », écrit Valet Chebujongo.
Des conséquences ne vont pas tarder
Du point de vue social, ce DDH note que les communautés locales sont fortement impactées par cette situation. En effet, les populations riveraines du parc dépendent des ressources naturelles pour leur subsistance. L’accès aux ressources, telles que l’eau potable et les produits forestiers non ligneux, est gravement compromis par ces activités illégales.
Des groupes armés dans le coin, une menace sécuritaire
En outre, les conflits entre les groupes armés et les autorités locales menacent la sécurité des habitants, qui se retrouvent souvent pris au milieu des affrontements pour le contrôle des ressources du parc.
Les acteurs sociaux du milieu s’inquiètent de l’activisme des groupes armés qui sont en conflit récurrents avec les responsables locaux du milieu. Ces derniers sont convaincus que cette exploitation illégale au PNKB a des conséquences économiques et sécuritaires à l’échelle nationale.
« D’une part, elle prive l’État congolais de revenus importants, car les ressources naturelles sont dispersées. Au lieu de contribuer à l’économie formelle, ces ressources enrichissent des réseaux criminels. Cette économie parallèle, alimentée par le commerce illégal des minerais, échappe à toute fiscalité, entraînant un manque à gagner pour le trésor public »,
A notre source d’ajouter : « D’autre part, la présence des groupes armés qui exploitent illégalement le parc contribue à l’insécurité dans les territoires voisins du PNKB. Ces milices financent leurs activités violentes grâce à l’exploitation des ressources naturelles, perpétuant un cycle de violence qui entrave les efforts de pacification et de développement dans l’Est de la RDC », déplore Valet Chebujongo.
Dans la foulée, il conviendrait de noter que ce climat d’instabilité nuit non seulement à la population locale, mais compromet également l’image et la stabilité de l’État sur le plan international.
Le circuit commercial des braises
A Kabare l’un de 8 territoires que comprend le Sud-Kivu qui est une entité administrative déconcentrée de la province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo. C’est un territoire montagneux, qui s’étend des environs de la ville de Bukavu au sud, aux rives occidentales du Lac Kivu au nord, il se prolonge vers le Sud-Ouest par la chefferie de Nindja.
Ici le circuit de commercialisation des braises issues des arbres abattues dans le PNKB se porte bien. La commercialisation des braises suit un circuit où les intervenants travaillent en interdépendance et en interconnexion. Janvier Mbusa, un habitant du groupement d’Irhambi-Katana contacté par Mkulima a témoigné comment le PNKB est devenue une véritable source des revenus de certains exploitants illicites.
« L’exploitation du parc est devenue l’activité la plus courante dans le groupement d’Irhambi-Katana plus précisément dans les villages de Mabingu, Kabushwa et une partie de Kahungu. Le parc est occupé par des personnes inconnues qui s’appellent des Peuples Autochtones, mais en réalité il n’y a pas qu’eux qui sont dans le parc. Il y a des Hutus qui exploitent le parc d’une manière illicite. Ils ne sont pas seulement dans l’exploitation du bois mais aussi dans les minerais », révèle Janvier Mbusa.
Mbusa ajoute qu’ils ont également installé des marchés publics ‘’Dans les villages de Kabushwa et Mabingu plus particulièrement, ils ont installé des marchés de vente des braises et de bois notamment les chevrons, les planches et ces marchés sont devenus un grand danger pour la communauté. Les enfants ont abandonné les études à cause de cette pratique. Aujourd’hui ces enfants se contentent de passer des journées au PNKB pour vendre des bois et des braises » explique notre source.
Signalons qu’Il y aurait des personnes agressives qui auraient installé des habitations dans et autour du parc qui se livrent à la destruction du parc. Aujourd’hui à Kabushwa il y a des marchés qu’on appelle Tuonane qui débute les activités vers 15 heures jusqu’à 20 heures. Dans le même village il y a un autre marché installé non loin de la plantation de Lushesha et qui contribue à la destruction non seulement du parc mais aussi des riverains au point que tout le monde a des yeux braqués sur le parc comme source des revenus.
Des marchés connus et protégés
Des marchés de vente de bois et des braises issus du PNKB sont également installés au vu et au su de tout le monde. A en croire notre source, l’exploitation des différents produits issus du parc se ferait en présence même de ceux qui sont censés le protéger.
« Et pour dire vrai, dans toutes ces entités il y a des gardes du parc qui sont là mais qui ne font rien. L’exploitation du parc se fait à leur présence. Plusieurs personnes se posent la question de savoir comment cela est-il possible. Personne ne se gêne. Les chefs des villages ou encore les chefs de groupements ne s’impliquent pas » fait observer ce riverain du parc.
Deux ans de WCS quel bilan ?
Au-delà des alertes, d’autres structures pensent qu’il faut agir urgemment pour sauver le PNKB. Le mouvement Afro Écologiste « Casque vert » a lancé une campagne dénommée « Défendons à tout prix le Parc National de Kahuzi-Biéga ». Cette campagne vise à mobiliser la communauté environnementale à défendre le Parc National de Kahuzi-Biéga contre la déforestation à laquelle il fait face selon le mouvement. Dans une alerte parvenue à la rédaction de Mkulima, le mouvement écologiste « Casque Vert » a exprimé son inquiétude grandissante face à « l’angoissante dégradation » qui menace ce parc national aujourd’hui considéré comme trésor international.
Un gestionnaire pro destruction ?
Le mouvement parle d’une escalade alarmante de dévastation des ressources naturelles de ce joyau. A en croire Josaphat Rubenga, l’un des animateurs de ce mouvement Afro écologiste, chaque jour, des arbres majestueux du PNKB tombent sous les coups des haches. Et cela, en « connivence » avec la Wildlife Conservation Society (WCS) et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), pourtant principaux gestionnaires de ce patrimoine. Ce mouvement invite à la mobilisation des écologistes et tous les citoyens de dénoncer ce silence coupable qui conduit à la destruction du PNKB.
« Aujourd’hui, nous nous levons avec une inquiétude grandissante face à l’angoissante dégradation qui menace notre trésor national, le Parc National de Kahuzi-Biéga (PNKB). Ce sanctuaire de biodiversité, véritable berceau de notre héritage naturel, est assiégé par des manœuvres dilatoires orchestrées par certaines autorités, en connivence avec la WCS et ICCN. Nous, Mouvement Afro-Écologiste Casque Vert et nos alliés dénonçons » peut-on lire dans l’alerte de Casque Vert.
Des arbres millénaires abattus
Le mouvement regrette que malgré la crise climatique qui s’observe dans la région, la déforestation continue à s’intensifier dans le PNKB. Casque Vert dénonce un cycle infernal qui continu sous l’œil « fermé » de WCS à qui l’état congolais a attribué la gestion du PNKB à travers un Partenariat Public-Privé (PPP). Pourtant ce patrimoine devrait constituer une solution au changement climatique.
« Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, notre parc subit une dévastation alarmante. Les rives du Lac Kivu, à la lisière du PNKB autrefois verdoyantes, se dénudent inexorablement, laissant place à une érosion incontrôlée. Chaque jour, des arbres majestueux tombent sous les coups des haches. Les conséquences de cette exploitation effrénée sont catastrophiques : la chaleur s’intensifie, l’eau devient une denrée rare, et le niveau du Lac Kivu continue de chuter. Les rivières du PNKB, qui alimentent ce lac vital, sont menacées », fait savoir se mouvement.
Au tour de ce patrimoine, les villages environnants se dénudent, entraînant des mottes de terre vers les fonds du lac lors des pluies et ruissellements. Cette érosion contribue non seulement à la pollution des eaux, mais aussi à l’obstruction des machines de la centrale électrique de Ruzizi1, entraînant des coupures intempestives d’électricité et exacerbant ainsi la dépendance au bois de chauffage et donc la déforestation et le cycle infernal continu sous l’œil fermé de ce fameux PPP.
Une situation entretenue ?
A lire l’alerte de Casque Vert, on sous-entend une situation entretenue. Pour quel but ? On ne sait pas. Mais le mouvement lui évoque des bénéfices dont certains seraient bénéficiaires à travers l’abattage des arbres.
« La prétendue conservation du PNKB semble se transformer en un prétexte pour engendrer des profits au bénéfice d’intérêts étrangers, sacrifiant ainsi les communautés locales dont notamment les peuples autochtones pygmées qui y habitent et y travaillent depuis des années ainsi que les autres riverains, surtout ceux qui se trouvent coincées entre le parc et le lac Kivu à Kalehe et Kabare. Plus qu’avant, des milliers de sacs de braise quittent impunément le PNKB chaque semaine. Et il semble que pendant que les peuples autochtones pygmées révoltés, préparent une marche de protestation, les autorités de l’ICCN se reposent allègrement dans des grands et luxueux hôtels de Goma » regrette Casque Vert.
L’Assemblée Nationale s’invite au débat
Dans la foulée, le mouvement écologiste dénonce avec véhémence « l’inaction » des autorités provinciales qui selon lui, semblent ignorer cette catastrophe. Le mouvement interpelle, le ministère de l’Environnement, la Direction Provinciale de l’ICCN, la Coordination Provinciale de l’environnement Sud-Kivu, la Division des mines, l’Assemblée Provinciale et le Gouvernement provincial pour que des mesures urgentes soient prises pour sauver le PNKB.
Au-delà de la colère que cette situation créée au niveau local, la question de déforestation du PNKB a franchi les limites. A l’Assemblée Nationale, le député Kitumaini Didier lui, veut tout simplement des explications claires de la ministre de l’environnement.
Le mardi 22 octobre 2024, cet élu de Kalehe a déposé une question écrite au bureau de l’Assemblée Nationale pour obtenir de la ministre Eve Bazaiba les explications sur ce qu’il qualifie « hémorragie » de déforestation et d’exploitation illicite par des tiers au PNKB. A travers cette démarche, le député Didier Kitumaini veut comprendre comment un patrimoine mondial comme le PNKB peut être exploité dans une indifférence « absolue » alors qu’il est placé sous la gestion d’un partenariat public-privé signé entre l’état congolais et la WCS.
« Nous attendons des réponses claires au regard des hémorragies avérées des déforestations, exploitations illicites des minerais, braconnages, agricultures, habitations humaines par les tiers, pâturages, insécurité et cambriolages mais aussi des conflits fonciers avec les peuples autochtones qui s’observent dans les aires protégées de la RDC plus particulièrement dans le PNKB site du patrimoine mondial en péril à l’Est du pays » lit-on dans la lettre de transmission de la question écrite de ce parlementaire.
Appel à la mobilisation pour sauver le PNKB
Pour Casque Vert, l’heure est venue d’agir ! A travers cette alerte, le mouvement appelle à la mobilisation pour une lutte « citoyenne » pour préserver le PNKB. Josaphat Rubenga regrette que plus de deux ans après, la gestion du PNKB à travers le partenariat WCS, n’a pas été convaincante.
« Levons-nous pour défendre notre Parc National de Kahuzi-Biéga. Nous avons longtemps attendu voir les fruits de ce PPP qui court depuis 2022, que nous ne pouvons plus attendre le terme de ce contrat de 10 ans de destruction. Nous appelons toutes les voix du Sud-Kivu à s’unir dans une fronde collective pour revendiquer notre droit à un environnement sain et durable. Ensemble, engageons-nous dans une lutte citoyenne résolue pour préserver notre patrimoine naturel. Vous êtes une organisation agissante pour la défense de la nature ? Une personne physique soucieuse de ce parc, patrimoine commun ? …rejoignez-nous directement pour coordonner nos actions communes » lance Casque Vert.
Des actions urgentes à mener
Pour préserver le Parc National de Kahuzi-Biega et assurer la stabilité de la région, le DDH Valet Chebujongo préconise des mesures urgentes qui doivent être prises. Celui-ci recommande le renforcement de la sécurité dans et autour du parc, l’amélioration de la gouvernance locale, les alternatives économiques pour les communautés locales, la sensibilisation et l’éducation et enfin la collaboration internationale.
L’UNESCO a-t-il tourné le dos au PNKB ?
Pour lui, la lutte contre l’exploitation illégale du PNKB nécessite une coopération internationale renforcée, notamment pour contrôler les filières d’exportation des minerais et des produits forestiers si nécessaire.
« La préservation de ce patrimoine naturel est essentielle pour assurer un développement durable et une paix durable dans la région. Les autorités congolaises, en collaboration avec la communauté internationale, doivent agir rapidement pour endiguer cette menace et restaurer l’intégrité de ce site emblématique » Insiste Valet Chebujongu.
Un PPP, pas clair
Pour un petit rappel, le gouvernement RD congolais et la Wildlife Conservation Society (WCS) ont signé depuis 2022 un accord de gestion pour le PNKB. Ce Partenariat Public-Privé offre de meilleures perspectives de conservation pour la riche biodiversité du PNKB, menacée par le braconnage et l’exploitation minière illégale.
À travers ce partenariat, la WCS avait proposé une gestion intégrée. Celle-ci s’était engagé à protéger la faune et les habitats uniques du PNKB. Elle avait également promis de reconnaître les droits des peuples autochtones Batwa et des communautés locales en leur permettant d’être des partenaires et des constituants actifs et influents dans la gouvernance et la gestion du parc.
A voir la situation telle que présentée, on peut se poser des questions sur l’action de l’ICCN dans la protection du PNKB. Les autorités de la WCS sont-elles conscientes des réalités désastreuses sur le terrain. Que disent les lois nationales sur la conservation en cas d’un PPP peu performant ?
WCS, se réserve de tout commentaire
La rédaction de Mkulima a tenté d’avoir la lecture de la situation de la part de l’ICCN et la WCS mais sans succès. La WCS s’est montrée réservée et a refusé de commenter les observations soulevées dans cet article.