Nord-Kivu : confusion autour de la gestion de fonds générés par le crédit carbone

les crédits carbone une problématique entre les environnementaliste
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Le challenge est lancé, des organisations militant pour la protection de l’environnement dans la province du Nord-Kivu se rangent en ordre utile pour valoriser l’environnement. Certaines sont dans la restauration en plantant des arbres et d’autres sont dans la protection des réserves naturelles existantes. sur une centaine d’associations, plus de 17 associations sélectionnées dans 5 territoires du Nord-Kivu plantent des arbres sur 300 hectares cette année 2024 et bénéficient de la vente du crédit carbone.

 Grâce à World Wide Fund for Nature, autrement dit les Fonds mondial pour la nature qui est une organisation non gouvernementale internationale (ONGI) créée en 1961, vouée à la protection de l’environnement et au développement durable, le Nord-Kivu est la province pilote de l’Est expérimentant de la vente des crédits carbone.

Malgré les fonds crédit carbone dans cette partie de la RDC, certaines organisations œuvrant dans la protection de l’environnement ne sentent pas l’impact de ce projet et crient à la politisation dans la gestion des fonds. Une version que l’Unité de Gestion du Projet Carbone ne partage pas du tout et pense que les organisations qui se plaignent ne maîtrisent pas correctement les méandres du fonctionnement.

A qui profite le crédit carbone ?

Une déception se dessine sur les visages de certaines organisations qui œuvrent dans la protection de l’environnement. Ces dernières dénoncent la discrimination dont elles sont victimes dans la sélection pourtant s’estimant éligibles.

Il se constate au fil des ans que la vente du crédit Carbon devenait de plus en plus inquiétante : au milieu des années 2000, des études estimaient que plus de 80% du charbon de bois consommé à Goma, chef-lieu de la Provinciale du Nord-Kivu, provenaient du Parc national des Virunga. Cette déforestation à grande vitesse a failli conduire le parc national de Virunga à la disparition.

Alors que le Nord-Kivu est la première province à avoir bénéficié du crédit carbone sous le financement de WWF, certains coins pourtant plongés dans la restauration sont jetés dans les oubliettes notamment le territoire de Walikale qui regorge une importante source forestière.

Les organisations qui sont dans la restauration et qui militent pour la protection des parcs et les écosystèmes forestiers pensent que les fonds destinés aux crédits carbones sont réellement politisés tant au niveau national que provincial. 

« Du sommet jusqu’à la base, les fonds alloués au crédit carbone ne sont pas bien gérés car il s’observe une forte politisation à tous les niveaux, entre autres au niveau national et provincial.  Au niveau provincial ici au Nord Kivu, c’est l’unité de gestion du projet carbone, un service attaché au gouvernorat, qui chapeaute ce fond et non le ministère provincial de l’environnement ou division de l’environnement. Comme nous sommes dans un état de siège vous allez comprendre que la gestion est dans les mains de qui », fait savoir Irenge BucekabirhiRené, coordonnateur de la Dynamique des jeunes pour la protection de l’environnement et développement durable DJPE ASBL au Nord Kivu.

Alors que la province de Maindombe bénéficie du crédit sur le carbone séquestré implémenté par les arbres ou forêts naturelles existantes, la province volcanique bénéficie quant à elle du paiement de services écosystémiques générés par le reboisement   fait par les associations d’une part et d’autre part, par des foyers améliorés et la carbonisation améliorée qui est réalisée par les ONG qui sont les partenaires de collaboration.

« Les partenaires qui bénéficient de trois volets du projet au Nord Kivu l’ont été par sélection faite par de panels. Le volet reboisement de crédit dont est bénéficiaire le Nord Kivu provient des populations ou organisations qui ont créé la forêt à partir du financement de WWF dans le projet Ecomakala (production de Makala vert pour le makala écologique). Nous avons un deuxième volet d’Energie qui contient la production de foyers améliorés et enfin le volet de l’assainissement qui n’est pas encore financé », clarifie Clément Balangalire, chargé du reboisement au sein de l’Unité de Gestion du Projet Carbone dans la province du Nord-Kivu.

Alors que vers les années 2007, avec le soutien de WWF-Belgique, un projet baptisé « EcoMakala » est lancé aux alentours du Parc National des Virunga. Avec pour philosophie de produire du charbon de bois « vert » à partir d’arbres plantés dans le souci d’empêcher que ce ne soient les arbres du parc qui soient abattus pour des besoins ménagers de familles. Deux ans particuliers : ils consomment en effet deux fois moins de charbon de bois que les foyers ordinaires, justifiant ainsi leur qualificatif de ‘’foyers améliorés’’.
« Ces deux initiatives (Ecomakala et foyers améliorés) menées conjointement vont se révéler décisives dans la lutte contre la déforestation autour des Virunga. Elles contribuent également à la réduction du Co2, l’un des gaz à effet de serre (GES), responsable du changement climatique en raison de sa forte accumulation dans l’atmosphère », peut-on lire dans le rapport de WWF.

La répartition des fonds prive un territoire potentiellement riche en ressources forestières

Pour la part réservée au gouvernement provincial (65% ou 80% selon le cas), 55% ou 65% sont destinés à la gestion et la mise en place des activités telles que la plantation d’arbres, la production des foyers améliorés qui peuvent continuellement réduire l’excès de carbone dans l’atmosphère. Le WWF RDC comme facilitateur n’a pas le droit de bénéficier de ces crédits. La province du Nord-Kivu est parmi les riches provinces en potentielle forestière et qui bénéficie du crédit carbone mais reparti disproportionnellement dans ses territoires. Les premiers paiements sont intervenus entre 2020 et 2021. La Province du Nord Kivu aurait bénéficié de 1,3 millions de dollars. Les vérifications sont faites sur un cycle de 5 ans pour le reboisement et sur une base annuelle pour les foyers améliorés. Le paiement des crédits carbone est réellement une première et une avancée significative par rapport aux objectifs initiaux du projet Ecomakala car ils contribuent à la pérennisation du projet en l’absence de financements des bailleurs. Le projet de vente des crédits carbone, suscite trop de remous dans le chef des certaines organisations qui bataillent pour l’amélioration des conditions climatiques et la sauvegarde des écosystèmes de Virunga et d’autre forêts. Ces écologistes déplorent le manque d’inclusivité dans les choix des organisations bénéficiaires de ce crédit carbone. Néanmoins, ces dernières recommandent la prise en charge des territoires omis, notamment le territoire de Walikale.  

« Au Nord-Kivu, sur 6 territoires que compte la province, 5 seulement bénéficient et le territoire de Walikale riche en ressources forestières n’en bénéficie pas, c’est pourquoi je parle de l’exclusion. Cela nous ramène à croire à la politisation de l’Unité de gestion du projet vente Carbone. Elle est politisée et elle n’est pas redevable envers la communauté, » déplore Irenge Bucekabirhi René,

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Suite à cette inégalité dans la répartition, la DJPE Asbl et et ARDE de walikale pensent que réellement la gestion de ces fonds devrait retourner chez World Wide Fund for Nature pour que toutes les organisations impliquées dans la restauration soient bien servies.

« Rien ne nous empêche de confirmer que leur sélection n’est pas objective, car il y a plein du favoritisme, en quelque sorte du communautarisme », soutient le coordonnateur de DJPE ASBL.

Contacté par la rédaction Mkulima.net, le responsable du projet reboisement au sein de l’Unité de Gestion du Projet Vente carbone, nie toute politisation dans la sélection et confirme que le recrutement est basé sur le principe de la méritocratie. Dans ses interventions, il affirme que la sélection est faite par un panel d’experts neutres.

« Nous faisons un appel d’offre pendant un mois et des sensibilisations à la radio. Des organisations qui pensent avoir des compétences viennent postuler. Il n’y a aucune politique derrière ça, on recrute des organisations en fonction de leurs compétences dans un panel de sélection sanctionné par un PV du panel. Après, on sélectionne les fournisseurs de semences dans le volet reboisement.  Cette année on a utilisé 13 associations et on a planté 300 ha », clarifie Clément de l’UGPC.  

« C’est un projet essentiellement basé sur le reboisement alors que le territoire de Walikale ne peut pas être reboisé car il est forestier.   Nous sommes en train de travailler avec une entreprise pour voir si nous pouvons bénéficier de la vente des crédits de séquestration qui est un produit semblable à celui de Maindombe. C’est là que nous pouvons tenir compte de Walikale. Walikale n’a pas de problème avec le carbone », fait savoir Clément.   

Pour lui, Walikale n’est pas bénéficiaire du projet de carbone d’évitement, plutôt il devrait attendre les crédits de carbone de séquestration.

 « Les bailleurs qui nous financent sur les forêts plantées par WWF, il n’y a aucune forêt plantée à Walikale. Les gens de ce territoire n’ont pas le droit de se plaindre. Ils le feraient si nous vendions les crédits de leur forêt naturelle sans qu’ils en bénéficient.  Dans la logique des choses, on remet les bénéfices de vente des crédits carbone aux producteurs de crédit et non pas à d’autres » soutient ce responsable de l’UGPC.

Thierry Lusenge, spécialiste de la thématique ‘Energie’ chez WWF RDC confirme que la route n’a pas été facile pour parvenir asseoir ce projet et faire du Nord-Kivu une région Pilote. Tout au long du parcours, il y a eu du scepticisme et des essais-erreurs mais au fur et à mesure de l’évolution, le résultat témoigne du bien-fondé du projet.

« Le projet a su démontrer son bien-fondé et aujourd’hui, il réunit autour d’une même table le gouvernement national à travers son Ministère de l’environnement, le gouvernement provincial, la société civile et les ONG faisant de la valorisation du carbone une réalité tangible avec des retombées financières visibles » se réjouit-il.

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Les grands concessionnaires sont -ils privilégiés ?

Dans sa plante, la dynamique des jeunes pour la protection de l’environnement, désapprouve l’approche des grands concessionnaires ou propriétaires de terrain qui ne facilite pas la tâche à des organisations ne possédant pas de grandes étendues. Certaines OSC qui n’ont pas de terrain ou de certificats de concession n’en bénéficient pas. Parmi les critères éliminatoires, il faut un certificat de concession et aussi il faut avoir des étendues à reboiser.

Mais la province du Nord-Kivu, à travers son UGPC, dément toutes ses allégations et déclare que l’octroi de crédits est le fruit de la compétence et de viabilité des organisations sélectionnées.

‘’Il y a des planteurs qui ont 0.5 hectares.  Nous n’avons pas de problème de ce genre, nous prenons des champs à partir de 0,5ha genre et les comptabilisons. Lorsque les associations sont sélectionnées, elles cherchent elles-mêmes des planteurs. Il y a des planteurs qui ont 0,3 ou 0,5 voire même 1 hectare. Rarement que nous prenons 5. Si nous avons 300ha à répartir dans 5 territoires, vous voulez qu’on donne quoi aux grands propriétaires ? Maximum pour bénéficier de notre crédit c’est 10ha peut être’’ explique l’UGPC.


M. Maneno Kakule, Responsable provincial du Fonds Forestier National (FFN) et vice-président du comité de pilotage des crédits carbone du Nord Kivu partage sa satisfaction : « la province du Nord Kivu félicite le WWF pour la facilitation qu’il a assuré qui permet aujourd’hui à notre province d’être une province pilote dans ce domaine. Nous espérons maîtriser davantage le processus, négocier encore un meilleur prix et voir dupliquée cette expérience dans d’autres provinces ».

En plus de la solution réaliste apportée au problème de la déforestation autour de Goma, les crédits carbones ajoutent ainsi une opportunité permettant d’assurer la durabilité du projet Ecomakala. Avec les fonds reçus, ils permettront d’installer plus de boisement et de produire plus des foyers améliorés.

 A la suite du Protocole de Kyoto signé en 1997, l’accord international visant la réduction des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, il met en place différents mécanismes en vue de maîtriser et réduire les émissions des gaz à effet de serre. Les crédits carbones en sont une illustration affirment les spécialistes du Nord-Kivu œuvrant dans la biodiversité.

La vente de crédits carbone, une ouverture vers la gestion climatique ?
Il existe deux principaux phénomènes qui permettent d’atteindre les objectifs climatiques notamment : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la séquestration du carbone par ce qu’on appelle des “puits de carbone” (forêts, sols, océans, etc.).

Pour encourager ces deux phénomènes, une des solutions est d’avoir recours à un mécanisme de financement de projets permettant d’éviter des émissions de gaz à effet de serre ou de séquestrer du carbone: c’est le mécanisme des crédits carbone.

En achetant des crédits-carbone sur le march é volontaire, les individus et les entreprises peuvent investir dans des projets d’efficacité énergétique, de reforestation ou d’énergies vertes, qui contribuent à réduire l’impact des activités humaines sur le climat.
Présentement dans la province volcanique, pivot du projet vente crédits carbone, une Tonne se négocie à 5 voire 8 dollars américains. Le chargé du projet reboisement, au sein de l’unité du projet crédit carboné rassure qu’actuellement l’idée tourne vers la technologie de pointe capable de leur permettre de quantifier les Cabrons émis et comment les bonifier.

La diversification des acteurs pour la protection forestière

Dans le cas de Ecomakala, le WWF RDC a fait appel à CO2Logic, un cabinet de consultance belge, en vue du montage du dossier, des appuis dans les vérifications nécessaires et les transactions carbone auprès du client qui est une entreprise pharmaceutique belge.
Ainsi, les calculs effectués indiquent que l’utilisation d’un foyer amélioré vendu par les partenaires du projet EcoMakala permettait d’éviter l’émission d’environ 2 tonnes de CO2 par an. En ce qui concerne les reboisements, les estimations du carbone séquestré se situent entre 130 et 190 tonnes de CO2 par hectare et par an dépendamment de l’espèce.

Tout porteur de projet de réduction ou de séquestration d’émission de gaz à effet de serre, peut recevoir, sur le marché volontaire, des « crédits carbone » selon le standard de certification utilisé. Un crédit carbone fonctionne comme un certificat attestant que ledit projet a bien évité ou séquestré une tonne de dioxyde de carbone équivalent (tCO2e).

Rappelons que les crédits carbones sont des unités que possèdent le porteur de projet. Si ce dernier réduit les émissions de gaz à effet de serre de son projet, la vente de ses crédits peut, in fine, financer son projet. Pour pouvoir valablement prétendre aux mécanismes de valorisation des émissions évitées, une procédure rigoureuse devrait donc être mise en place impliquant des évaluations précises. Souhaitent les écologistes dans la zone.

Patrick Babwine

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