Est de la RDC : la femme rurale, victime silencieuse d’une guerre qui ravage ses champs et sa dignité

Avec sa houe elle nourrit la communaute. Respect à la femme rurale/ photo Crédit
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Dans les collines verdoyantes de l’Est de la République Démocratique du Congo, la terre, autrefois source de vie et d’espoir, est devenue un champ de survie. Les femmes rurales, véritables piliers de la sécurité alimentaire, y vivent désormais sous la menace constante des armes, de la faim et de la perte.

Les femmes rurales de l’Est de la République Démocratique du Congo vivent sous menace constantes des armes, de la faim, et de la perte, depuis l’occupation de la cette partie par le mouvement AFC/M23 en février 2025. Elles sont en difficulté d’exploiter leurs terres qui non seulement constituent une source de vie et d’espoir, mais aussi contribuent à la sécurité alimentaire au Congo. Elles plaident pour le rétablissement de la paix.

Des terres transformées en champs des batailles, des incursions d’ici et là. Ces vaillantes cultivatrices ne savent plus faire du champs leur activité quotidienne.

L’une d’elles, M’Kanege Izabel, cultivatrice et présidente de l’Association Villageoise d’Épargne et de Crédit (AVEC) Rhucilwire’ko de Cagala, dans le groupement de Kaniola (territoire de Walungu), alerte par rapport à cette situation.

« Nous ne vivons plus de notre travail. Les champs sont devenus des zones de danger.  De la même manière que nous semons dans la terreur, c’est de la même manière que nous ne savons pas récolter. Les hommes en armes pillent nos cultures, et quand nous résistons, nous sommes violées ou battues. Beaucoup de femmes se réfugient dans la brousse avec leurs enfants ou fuient vers la ville pour celles qui en ont la possibilité. Nous voulons simplement que la paix revienne. », déplore-t-elle.

Autrefois prospères, les territoires du Sud-Kivu seraient aujourd’hui plongés dans une misère sans précèdent. Les attaques des groupes armés ont fait état de plusieurs villages incendiés, des récoltes pillés, et des moyens de subsistance détruits. L’occupation d’une grande partie de la province par des mouvements politico-militaires, dont l’AFC/M23, aurait nourri un profond désespoir.

Les AVEC, ces cadres de solidarité et d’autonomie économique, ne fonctionnent plus. Des réunions suspendues, épargnes interrompues, déplacements dangereux. Bref, tout le système communautaire d’entraide serait effondréet des structures communautaires paralysées.

« Nous voulions investir dans des semences pour la saison prochaine, mais comment faire quand on ne peut plus aller au champ ? », regrette Izabel.

Une double peine pour les femmes rurales

Entre violences sexuelles, perte des biens et peur quotidienne, les femmes rurales subissent une double peine. Elles sont à la fois gardiennes de la terre et premières victimes de la guerre.
À Bushwira dans le territoire de Kabare qui constitue un foyer d’affrontement, Ruhasa Mbwiriza, secrétaire du groupe paysan Rhuchirhonde, garde pourtant l’espoir:

« Nous croyons encore à un retour à la paix. Nous voulons reprendre nos activités agricoles et retrouver notre dignité. Nous ne demandons pas grand-chose, seulement la paix, pour nourrir nos familles ».

Un État absent face à une population abandonnée

Cette guerre a mis à nu l’abandon des populations rurales par l’État congolais. Les politiques agricoles annoncées n’ont jamais été concrétisées, les programmes d’accompagnement inexistants, et les forces de sécurité quasi absentes.

« Si l’État jouait son rôle, nous pourrions retourner dans nos champs sans peur. Mais ici, c’est la loi des armes qui règne », regrette Izabel.

Pour Rosine M’Mpalirwa, déplacée de Nyangezi réfugiée à Bukavu, partage la même désolation ;

« Nous avons l’impression que nous n’existons pas pour notre gouvernement. Pourtant, c’est nous qui nourrissons ce pays à travers nos efforts fournis et les sacrifices consentis », s’exprime-t-elle.

Des femmes courageuses malgré tout

Malgré l’insécurité et l’indifférence, les femmes rurales continuent de s’organiser à travers les AVEC, les coopératives agricoles ou de petits commerces peu rentables. Leur résilience incarne l’espoir d’un avenir plus juste.

« Nous ne demandons pas la charité, mais le droit de vivre du fruit de notre travail. Que le gouvernement nous écoute enfin et que la paix soit restaurée sur toute l’étendue », plaide une femme d’Idwi victime des menaces et intimidation, jointe au téléphone par la rédaction de Mkulima Média.

Des gardiennes de la terre et de la vie communautaire

Depuis des générations, les femmes villageoises de l’Est de la RDC particulièrement celles du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et à l’Ituri sont les gardiennes de la terre, de la famille et de la cohésion sociale. Avant les conflits, elles assuraient la sécurité alimentaire grâce à leurs cultures de manioc, de maïs, de haricots ou de café. Aujourd’hui encore, malgré la guerre, elles demeurent le cœur battant de l’économie paysanne congolaise.

Le coordonnateur de la Nouvelle Société Civile, antenne d’Uvira, Paul Byamungu, fait allusion aux conséquences d’une exclusion systémique.

« Priver les femmes de leurs droits fondamentaux dont l’éducation, le travail, la participation politique freine le développement global d’un pays et constitue une atteinte à la dignité humaine. Ces discriminations engendrent des conséquences psychologiques, physiques et économiques graves, aggravent la pauvreté et perpétuent les inégalités d’une génération à l’autre. », fait-t-savoir.

Une lueur d’espoir

Contacté par votre rédaction, le ministre provincial de la Justice, des Droits Humains, de la Femme, de la jeunesse et des Personnes Vivants avec Handicap, Faustin Mayani Shindano, a annoncé la célébration de cette journée le 18 octobre 2025, à Katongo en territoire d’Uvira sous le thème : « Femme rurale du Sud-Kivu, tu produis de la bonne nourriture pour toutes et tous. ».

Patrick Babwine                                                                                                                                                            


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