Chaque 22 mai, le monde célèbre la Journée internationale de la biodiversité. Tandis que des conférences et événements officiels s’organisent ailleurs, à Bukavu, dans l’est de la RDC, un groupe de jeunes activistes a choisi une approche de terrain. Cette année, leur mobilisation s’est concentrée sur la sensibilisation des femmes vendeuses de braise au marché de Cibubiro dans le groupement de Mudaka, territoire de Kabare.
Ce marché, créé de manière spontanée avec le va-et-vient quotidien de nombreuses femmes transportant des sacs de charbon de bois sur leurs têtes, est devenu une plaque tournante de la commercialisation d’un produit à fort impact écologique : les braises issues de la déforestation illégale du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB). Ce parc, classé patrimoine mondial de l’UNESCO, est l’un des derniers refuges des gorilles des plaines de l’Est et d’une faune exceptionnelle, aujourd’hui gravement menacée.
Une mobilisation citoyenne pour écouter et sensibiliser
Munis de pancartes, de flyers, de braises écologiques et d’arguments bien préparés, ces jeunes militants, membres d’organisations locales telles que « Climate Clock DRC », ou encore « Plasticor », sont allés à la rencontre de ces femmes commerçantes pour comprendre leur réalité et leur proposer des alternatives viables.

« Nous ne sommes pas venus pointer du doigt, mais écouter et sensibiliser. Ce que nous voyons ici est dramatique des dizaines, voire des centaines de sacs de braises empilés, fruits d’une déforestation galopante. Et malheureusement, certaines femmes ne savent même pas que cette activité contribue à la disparition des gorilles et à la destruction de notre biodiversité », confie Gloria Chabene, l’une des activistes sur place.
Entre conscience écologique et survie économique
Face à cette mobilisation, certaines vendeuses n’ont pas caché leur embarras, mais aussi leur détresse.
« Je sais que ce n’est pas bien, que les forêts disparaissent. Mais comment nourrir mes enfants sans ce commerce ? Ici, dans mon village, tout le monde fait ça. Il n’y a pas d’autres activités », témoigne une maman ayant requis l’anonymat.
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Une autre commerçante nous explique dans le même sens, que depuis que la province est en guerre, la famine le frappe.
« On prend ce qu’on peut pour survivre. Même si je sais que ce n’est pas bon pour la nature, je n’ai pas le choix. », dit-elle.
Le président du marché reconnaît la croissance du commerce de braises dans la région. Il nous explique que c’est à cause de l’absence des gardes du parc, que les gens vont couper les arbres en toute impunité.
«Ce commerce a fini par dominer l’économie de notre marché », explique-t-il.
Une lueur d’espoir avec les énergies renouvelables
Un peu plus loin, Nicole Menemene, elle aussi activiste mais surtout entrepreneure, sort de son sac quelques galettes noires compressées. Ce sont ses braises écologiques, faites à base de déchets organiques recyclés. Elle les tend aux mamans avec bienveillance : « Je ne viens pas vous enlever votre gagne-pain. Je viens vous montrer qu’il y a d’autres manières de faire. D’autres chemins à prendre. »
Mais pour que ces chemins deviennent routes, il faudra plus qu’un échange au marché. Il faudra une volonté collective, un soutien durable et des alternatives réelles.

Crispin Ngakani Country focal point, Climate Clock DRC, renchérit : « Pour cette Journée mondiale de la biodiversité, nous avons volontairement choisi d’aller sur le terrain, auprès de ces mamans, parce que c’est là que tout commence. Il est temps de faire la transition vers des énergies renouvelables. »
Il y a quelques jours à peine, le Réseau des défenseurs environnementaux de la province du Sud- Kivu avait fait un appel à l’action aux autorités de AFC/M23 à agir en urgence pour sauver le Parc National de Kahuzi-Biega, ravagé à la fois par la coupe illégale, les tensions armées, et l’abandon institutionnel. Dans ce document, ils évoquent un patrimoine en péril, des espèces emblématiques menacées, et un avenir que l’on brûle un peu plus chaque jour au sens propre comme au figuré. Elle s’efface en silence, derrière les fumées épaisses des braises de survie.
Elie CIRHUZA
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