Les lois protègent-elles vraiment le lac Kivu ou ne sont-elles que symboliques?

Spread the love

Le lac Kivu, situé à la frontière entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, est un écosystème d’une richesse écologique exceptionnelle. Il abrite une biodiversité unique, comprenant de nombreuses espèces endémiques de poissons, d’oiseaux et de plantes aquatiques. Malheureusement depuis une dizaine d’années ce lac subit des agressions silencieuses et pourtant, des lois existent pour protéger ses eaux et sa biodiversité.

Cet article vous plonge dans la découverte de quelques textes que les pays frontaliers du Lac Kivu ont mis en place en vue de contrôler et de gérer la Biodiversité du Lac Kivu, mais qui restent théoriques sur papier.

Quid du cadre juridique régional ?

Les lois sur la protection du lac Kivu existent, mais sur le terrain ces lois sont rarement appliquées. En titre d’exemple, les statuts de l’Abakir, deux textes signés lors de la réunion du conseil des ministres portant sur la protection du bassin du lac Kivu et de la rivière Ruzizi qui s’est tenu mardi 4 novembre 2014 à Kinshasa. Ces statuts étaient signés officiellement par les trois ministres des pays membres de cette organisation dont la RDC, le Burundi et le Rwanda.

Image téléchargée sur: https://abakir.org/publications/

L’Abakir est chargée de la gestion durable et responsable des eaux dudit Bassin au bénéfice des générations actuelles et futures pour le développement durable de la région. Concernant le même cours d’eau, il y a un autre projet qui n’est pas concrétisé. Il s’agit de l’exploitation commune du gaz méthane par la RDC et le Rwanda. Aujourd’hui, l’exploitation a déjà commencé du côté de Kigali, alors que Kinshasa traîne encore les pas.

Lire plus: https://abakir.org/publications/

Bien avant la signature de ces statuts, le mercredi 23 janvier 2013 à Bukavu, des scientifiques suisses, congolais et rwandais avaient invité les gouvernements de la RDC et du Rwanda à exploiter de manière concertée ce gaz. Selon eux, le lac Kivu regorge d’importantes réserves de gaz méthane, estimées à 60 kilomètres cube, capables de répondre aux besoins énergétiques de ces deux pays pour une période de dix ans.

Les deux pays étaient d’accord pour entamer la première exploitation commune du gaz méthane du lac Kivu en avril 2013, c’est ce qui ressort d’un atelier international de trois jours tenu à Gisenyi au Rwanda. Ce projet vieux de 50 ans, serait financé par la communauté internationale, rapporte radiookapi.net

Le Rwanda et la RDC sont sensés produire du gaz méthane, chacun de son côté. L’objectif du projet étant de produire de l’énergie électrique d’une capacité de 500 mégawatts. La ville de Goma, par exemple, n’a besoin que de 20 mégawatts pour tous ses besoins, mais avec des mesures de sécurité communes.

La richesse du lac Kivu menacées

Les petites îles du lac Kivu ont une riche biodiversité composée de 142 espèces de plantes, 80 espèces d’oiseaux, 52 invertébrés, 6 mammifères, 6 reptiles, 5 espèces d’amphibiens et 26 espèces de poissons, selon les données de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Les îles abritent des espèces menacées, déjà inscrites sur la liste rouge de l’UICN, telles que la mangouste des marais (Atilax paludinosus : inzibyi), quelques oiseaux aquatiques et des serpents comme Bitis nasicornis et « Naja melanoleuca ». 

Image crédit: https://www.le-gaz.fr/2015/09/16/

Ces îles abritent 15 espèces de poissons endémiques et trois espèces migratrices ( Cossypha natalensis ,Milvus migrans et Bulbucus ibis).  Le lac Kivu constitue le grand réservoir d’eau de la région, régule le cycle de l’eau et, par conséquent, le changement climatique.  Industrie de la pêche prospère au lac Kivu, exploitation du gaz de méthane et installations de transport.  Forte potentialité écotouristique dans les îles du Kivu, qui peut devenir une source de génération de revenus importante pour le Rwanda et les services écosystémiques.

Cependant, cette richesse naturelle est menacée par une série de facteurs croissants, tels que la pollution, la pêche illégale, l’urbanisation rapide et les activités industrielles. Face à ces défis, une réglementation régionale est devenue indispensable pour assurer la protection et la gestion durable de cet écosystème vital.

Ce que pensent les experts

Dans cette problématique juridique, Cizungu Christian, Avocat au baron de Bukavu et chercheur en justice environnementale, nous explique ce qui serait l’obstacle de la non pratiquabilité des accords régionaux relatifs à la gestion intégrée des ressources en eau du Bassin du lac Kivu et de la rivière Ruzizi, ainsi que les statuts de l’Abakir.

« Le nœud du problème est situé au niveau de la capacité de mise en œuvre des États riverains. Bien que les accords soient contraignants, leur application dépend largement de la volonté politique de chaque nation impliquée et des ressources disponibles », explique-t-il avec un regret.

« Une loi qui n’est pas suivie d’actes concrets devient un mensonge. Une loi non appliquée est pire que l’absence de loi. Elle donne l’illusion de l’action alors que le terrain reste abandonné. »,déclare Maître Olivier, avocat en droit de l’environnement.

Sans contrôles, sans sanctions, les violations se répètent. Pire encore, les communautés locales ignorent souvent l’existence même de ces textes. Dans l’applicabilité de ces textes, il reconnait néanmoins qu’il existe des défis, mais qui sont particulières à chaque pays consentant aux statuts. Pour lui, « les principaux défis incluent le manque de ressources financières et humaines pour la surveillance et l’application des lois, ainsi que la corruption et les conflits locaux qui entravent les efforts de protection. »

Lire aussi: https://mkulima.net/pollution-plastique-allons-nous-laisser-le-lac-kivu-mourir-sous-nos-yeux/

Image d’Olivier Ndoole Bahemuke prise par Mongabay.

Au-delà des responsabilités qui incombent en amont à chaque état, l’expert souligne que la population et les organisations locales jouent un rôle crucial dans la sensibilisation et la participation à des projets de protection de l’environnement. Ils peuvent également contribuer à la surveillance des activités illégales et à la promotion de pratiques durables. Par ailleurs, poursuit l’Avocat, « des sanctions sont prévues pour les violations des réglementations, mais leur application est souvent difficile en raison des défis mentionnés précédemment. »

Cet article a été produit dans le cadre du projet réseau des défenseurs environnementaux luttant contre la criminalité environnementale transnationale dans les forêts du Bassin du Congo, mise en place par les réseaux de défenseurs de l’environnement du bassin du Congo au niveau de l’Afrique et en RDCongo, exécuté par Action de Protection et Défense pour les espèces Menacées en collaboration avec Kilalopress au Sud-Kivu.

Elie Cirhuza


En savoir plus sur Mkulima Média

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur Mkulima Média

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture