M23/AFC: Des jeunes entrepreneurs en difficulté à Goma

Spread the love

Depuis des décennies, le Nord-Kivu est en proie à des conflits armés qui fragilisent son économie et mettent à rude épreuve la résilience des habitants. La récente prise de la ville de Goma par la rébellion du M23/AFC, le 27 janvier 2025, a marqué une nouvelle page sombre dans l’histoire de cette région. Outre les pertes humaines et les destructions, ce sont les entrepreneurs locaux qui font face à des défis majeurs pour maintenir leurs activités et contribuer à l’économie locale.

Les pillages, les destructions et l’instabilité économique sont devenus le lot quotidien des entrepreneurs de Goma. En l’espace de trois jours, plusieurs boutiques, magasins et maisons ont été saccagés, laissant derrière eux des pertes financières colossales. Beaucoup d’entreprises ont dû fermer ou réduire leur personnel, aggravant ainsi le chômage et fragilisant la dynamique économique de la ville.

Exaucée Binja, entrepreneure et étudiante, témoigne : « Les militaires ont détruit toute ma marchandise à l’aéroport. La plupart de mes clients s’approvisionnent désormais ailleurs. J’ai été contrainte de rembourser les commandes, ce qui a anéanti mon capital. Aujourd’hui, je suis en pause, mais recommencer est un défi de taille. »

Dans le secteur de la construction, Elvis Ciza, peintre au sein de la société Zinga Décor, partage son expérience : « Pendant les troubles, notre bâtiment fraîchement peint a été détruit. Nous avons dû tout refaire à nos frais, ce qui a réduit notre capital. Pour nous en sortir, nous avons augmenté la main-d’œuvre. »

Des pertes financières colossales et une adaptation difficile

Les entrepreneurs font preuve d’une résilience incroyable pour tenter de relancer leurs activités. Cependant, l’absence de stabilité économique, la fermeture des banques et la réduction des transactions monétaires freinent considérablement leur reprise.

Landry Ashuza, gérant d’une imprimerie, raconte : « Notre atelier a été pillé et saccagé. Nous avons perdu énormément d’équipements et aujourd’hui, notre fonds de roulement est insuffisant pour une relance rapide. »

Benjamin Cinamula Birere, directeur de l’incubateur Kivu Tech, souligne les défis auxquels sont confrontés les jeunes entrepreneurs : « L’innovation et l’entrepreneuriat sont durement impactés. Il n’y a plus d’incubateurs actifs et les investisseurs sont dissuadés par la guerre. J’encourage les entrepreneurs à suivre des formations en ligne et aux incubateurs de soutenir ceux qui en ont besoin. »

L’histoire poignante des entrepreneures

Kitumaini Midhero Pascasi, commerçante au marché de Birere et mère de 15 enfants, exprime son désarroi face à l’effondrement du marché : « Mon commerce était ma seule source de revenus. Avec la prise de la ville, mon dépôt et mon point de vente ont été pillés. Mon mari est décédé il y a un mois, et je me retrouve seule avec 15 enfants à charge, sans aucun soutien. »

De son cote, Sanata Ndole, responsable de San Business explique son problème auquel il fait face : « L’absence de circulation monétaire paralyse tout. Sans banque, il est impossible de se ravitailler en stock. J’achetais mes produits à l’étranger, mais aujourd’hui, même envoyer de l’argent est un défi. »,a-t-elle dit.


Un effondrement économique inévitable ?

« Sans stabilité financière et monétaire, il est presque impossible pour les entrepreneurs de Goma de se relever. La fermeture des banques bloque l’accès aux fonds, et la chute du taux de change imposée par le M23 aggrave la situation en rendant les importations plus coûteuses et les investissements risqués. » explique Peter Bakole, économiste. Cette gestion erratique du marché par les rebelles, sans prise en compte des fondamentaux économiques, amplifie le chaos et plonge la ville dans une asphyxie financière.

Pour Peter cette crise ne trouvera pas de solution immédiate. La reconstruction du tissu économique prendra du temps et nécessitera un processus long et structuré. Pour espérer un redressement, il faudra un retour à la stabilité sécuritaire, la réouverture des banques et des mesures concrètes pour redonner confiance aux investisseurs et aux entrepreneurs locaux.

Mais combien de temps faudra-t-il pour que l’économie de Goma se relève réellement ? Les entrepreneurs pourront-ils surmonter ces pertes sans un soutien financier adapté ? Comment reconstruire un environnement commercial viable lorsque l’incertitude plane encore sur la ville ? Tant de questions restent sans réponse, alors que les habitants de Goma tentent de survivre et de s’adapter à une réalité qui ne cesse de s’assombrir.

Elie CIRHUZA

Daniella AMINA

Daniel BAGAYA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *