Sud-Kivu/Luhihi : L’or empoisonne le lac Kivu et met la vie des populations en péril

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Dans les collines florissantes de Luhihi, territoire de Kabare, une nouvelle quête de l’or a vu le jour. La carrière minière de Lomera attire chaque jour des centaines de creuseurs venus de tous les coins du Sud-Kivu, Nord-Kivu et au-delà, portés par l’espoir de richesse. Mais cette activité artisanale, non réglementée, menace sérieusement le lac Kivu, joyau écologique et principale source d’eau pour les habitants de la région.

Les pratiques d’exploitation aurifère à Lomera ne tiennent aucun compte de l’environnement. Les résidus des opérations minières, souvent mélangés à des substances chimiques sont directement rejetés dans le lac. À cela s’ajoute le lavage des minerais et des habits avec du savon au bord de l’eau, transformant le lac en un immense réservoir de pollution.

« On voit des dizaines de personnes laver les pierres aurifères, se baigner, puiser de l’eau et même faire la lessive au même endroit. C’est devenu un mélange toxique », déplore un activiste interrogé sur place.

Le lac Kivu, une eau contaminée mais consommée

Dans cette région enclavée où l’accès à l’eau potable est presque inexistant, le lac Kivu reste la seule alternative pour des milliers de personnes. Malgré la présence d’un point d’eau aménagé par Médecins Sans Frontières (MSF), la file d’attente décourage plus d’un. Beaucoup préfèrent se servir directement au lac.

« Je préfère prendre l’eau directement au lac que d’attendre une heure au robinet de MSF. Je n’ai pas le temps d’attendre », explique Aganze, un jeune orpailleur croisé au bord du lac.

Selon une étude menée par l’Université de Liège, le lac Kivu subit des pressions croissantes dues aux activités humaines, notamment minières. Les chercheurs alertent sur un déséquilibre profond causé par les rejets massifs de matières organiques, notamment issus de l’orpaillage. Ces apports excessifs favorisent la prolifération d’algues et de bactéries, ce qui perturbe l’oxygénation naturelle du lac. Résultat, une dégradation de la biodiversité aquatique, une mortalité accrue des poissons et une menace directe pour les chaînes alimentaires locales.

En outre, l’étude souligne que cette pollution invisible augmente le risque d’émissions incontrôlées de gaz stockés dans les profondeurs du lac, comme le méthane et le dioxyde de carbone. Un phénomène déjà connu mais dont l’intensité pourrait s’aggraver avec la pression humaine actuelle. Les scientifiques appellent à une surveillance urgente et rigoureuse du lac Kivu pour éviter une catastrophe écologique et sanitaire à grande échelle. Dans le contexte de Luhihi, ces constats s’appliquent pleinement, car l’exploitation aurifère artisanale accélère ces déséquilibres environnementaux sans aucune mesure de contrôle.

Maladies hydriques en hausse, un danger silencieux

Cette pollution invisible mais constante a un impact direct sur la santé publique. De plus en plus de cas de diarrhée, choléra, fièvre typhoïde et même paludisme sont rapportés dans les centres de santé autour de Luhihi. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées en sont les premières victimes.

« Chaque semaine, nous recevons des patients souffrant de diarrhée aiguë ou de fièvre. Beaucoup reconnaissent boire l’eau du lac sans la traiter, faute de moyens », rapporte une infirmière du centre hospitalier de Birava, sous anonymat.

Le cycle est vicieux, l’exploitation minière détruit l’environnement, contamine l’eau, affaiblit les populations, mais continue de prospérer en l’absence de régulation.

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Un appel à l’action avant qu’il ne soit trop tard

Le drame qui se joue à Luhihi est un avertissement. Sans une action rapide des autorités locales, provinciales et nationales, le lac Kivu risque de subir des dommages irréversibles. Des campagnes de sensibilisation, la mise en place de zones tampons autour des berges, la réglementation des pratiques minières et l’accès équitable à l’eau potable sont autant de mesures urgentes.

« L’or ne doit pas valoir plus que la vie humaine. Si nous détruisons notre lac, nous détruisons notre futur », fait savoir Justin Murhula expert en économie de l’environnement.

Il est temps de repenser l’exploitation minière à Luhihi. Le développement économique ne peut se faire au détriment de l’environnement et de la santé des populations. Le lac Kivu, patrimoine vital du Sud-Kivu, mérite mieux.

Elie CIRHUZA


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