A Bwegera, une localité située dans le groupement de Kakamba au cœur du territoire d’Uvira au Sud-Kivu, la divagation des certaines bêtes domestiques telles que les vaches, les chèvres, les moutons ou encore les cochons entretiennent un conflit permanant entre les agriculteurs et les éleveurs. Sur place à Bwegera, au-delà de quelques concessions (fermes) appartenant aux grands fermiers, la majorité du bétail est en pleine divagation à la recherche de l’herbe.
Dans leur divagation, ces bêtes broutent tout sur leur chemin. Maïs, manioc ou encore riz, tout ce qui est cultivé sur le passage, rien n’est épargné.
Cette situation entretient des conflits interminables entre éleveurs et agriculteurs, qui se voient anéantis dans leurs efforts lorsque les bêtes ravagent leurs cultures.
« C’est un conflit très permanant du fait que : d’un côté on a des éleveurs qui ont des bétails et d‘un autre côté des agriculteurs qui ont leurs champs à cultiver. Ces éleveurs laissent de fois leurs bêtes en divagation et cela fait que les cultures des agriculteurs soient régulièrement ravagées » témoigne Byaru Serembe, un agriculteur de la place.
Celui-ci renseigne que cette situation est souvent à la base des tensions entre les deux parties (éleveurs et agriculteurs). Des tensions qui selon lui vont jusqu’à amener les concernés en justice en cas de manque de compromis au sein des associations locales qui interviennent souvent dans le cadre de la médiation.
Le bétail en divagation, des acteurs destructeurs de l’environnement
En dépit des avantages que l’élevage du bétail enregistre sur la restauration de l’environnement, il est ainsi responsable de la destruction de la forêt. Les bœufs en divagation participent en partie non négligeable dans la déforestation chaque année, contribuant ainsi largement aux émissions de gaz à effet de serre.
Byaru Serembe, agronome de son état explique même qu’à Bwegera plusieurs plantules sont dévastées, des arbustes écroulés, des canaux d’irrigation détruits par des milliers de vaches à la recherche d’alimentation.
L’élevage en stabulation, un moyen efficace pour lutter contre le conflit ? Quand l’expérience parle !
Entretenir les bétails dans des étables leur assurent la sécurité, c’est une meilleure façon de leurs procurer la bonne santé mais aussi cela peut les pousser à produire suffisamment du lait, nous fait savoir Kalimba Erick Seredi, coordinateur national de la Coopérative Agri-éleveurs pour le Développement et Résolution des Conflits (CADRC), une organisation œuvrant dans le groupement de Kakamba à Bwegera.
La CADRC, milite également pour le développement de l’élevage à stabulation et dans la restauration de l’environnement et protection de la biodiversité dans le territoire d’Uvira, groupement de Kakamba à Bwegera centre.
Le coordinateur de la CADRC soutient qu’au-delà des dégâts que peuvent causer les bêtes en divagations sur les cultures, ces dernières sont à leur tour exposées à des sérieux problèmes liés notamment à des maladies.
« L’idée de créer l’étable, c’est pour la sécurité de nos bétails contre la divagation pour permettre à nos vaches d’avoir une meilleure santé et la sécurité alimentaire. Les vaches en divagation n’ont pas une bonne santé à cause de longs parcours qu’elles effectuent à la recherche de l’alimentation. Elles sont aussi exposées au vol et produisent moins de quantité du lait, » fait savoir Kalimba Erick Seredi coordinateur de la CADRC.
Expérimenté de l’agriculture et de l’élevage, Kalimba Erick Seredi pense que les bétails en stabulation sont moins couteux que ceux en divagation. Pour lui, réussir l’élevage en divagation exige des préalables comme des concessions ou de terres où nourrir ses bétails.
Des concessions qui pour les acquérir exigent des moyens importants étant donné qu’ils s’acquièrent à un prix élevé.
« Des bêtes en divagation sont plus souvent exposées à diverses maladies. Les soins vétérinaires coûtent de la fortune car ces vaches sont beaucoup plus exposées à diverses maladies comme PPCB (Péripneumonie Contagieuse Bovine) qui est une maladie des bovins connue dans la plaine sous le nom de Ruhaha. Les bétails non encadrés ne donnent pas une quantité suffisante de lait, » révèle Kalimba Erick.
Et d’ajouter :
« Les vaches se trouvant dans des étables sont bien nourries car nous avons des Banques Aliments Bétails (BAB) ayant des quantités suffisantes concentrées pour l’alimentation animale »,
Qu’est-ce une bête en divagation ?
Un animal est en principe considéré en état de divagation lorsqu’il est repéré hors de surveillance effective de son propriétaire ou de son gardien (berger). Que le lieu soit public ou privé dès l’instant qu’il n’a pas le droit de se trouver dans ces endroits il est qualifié, bête en divagation et la loi y afférente s’impose.
En République Démocratique du Congo il se constate un manque des lois actualisées sur la divagation des bêtes. Néamoins,l’ordonnance 54bis/Agri du 5 mai 1936 sur la divagation des animaux et détention des animaux sauvages réputés dangereux ou nuisibles prévoit à son Chapitre I, 1èr article : « Est interdite dans les circonscriptions urbaines la divagation sur la voie publique et dans la propriété d’autrui des équidés, bovidés, ovidés, capridés et suidés, ainsi que de tous animaux sauvages apprivoisés, non réputés dangereux ou nuisibles. »
Le même article prévoit que les administrateurs de territoire pourront étendre cette interdiction à toute la localité autre que les circonscriptions urbaines.
Au-delà de cette prévision légale, plusieurs exploitants de terres pensent que le phénomène « bête en divagation » peut être éradiqué par les éleveurs en entretenant des champs fourrageux pour nourrir leurs bêtes et ainsi mettre fin à des conflits qui non seulement constituent une menace à la cohésion sociale et au bon vivre ensemble entre éleveurs et agriculteurs.