Chaque 28 avril, la Journée mondiale des grenouilles (Save The Frogs Day), portée par l’organisation internationale Save The Frogs, invite le monde entier à porter un regard neuf sur ces petits amphibiens souvent négligés, mais ô combien essentiels. En République Démocratique du Congo, où la biodiversité est l’une des plus riches de la planète, les grenouilles tiennent un rôle crucial dans le fragile équilibre des écosystèmes. Pourtant, elles sont en danger, souvent victimes d’une méconnaissance dramatique.
Dans les forêts humides du bassin du Congo, au bord des rivières ou dans les marais, les grenouilles ne sont pas que des chanteuses nocturnes. Elles purifient les milieux aquatiques, contrôlent les insectes vecteurs de maladies et soutiennent la survie de nombreuses espèces. Mais aujourd’hui, leur chant est de plus en plus rare, étouffé par les activités humaines.

Conscients de cette urgence, de jeunes activistes environnementaux de Bukavu se sont mobilisés cette année pour la 17ᵉ célébration de Save The Frogs Day. Ils ont choisi le marais de Mbobero pour sensibiliser les exploitants agricoles, premiers témoins de la disparition de ces précieuses espèces.
Lors des discussions sur le terrain, une cultivatrice, ayant souhaité rester anonyme, a partagé son expérience quotidienne avec une sincérité désarmante. Elle explique :
« Lorsque je travaille dans les marais, je remarque que les grenouilles deviennent très agitées. Un jour, par hasard, j’ai vu l’une d’elles sauter et attraper des mouches qui me dérangeaient pendant la culture. »
Elle poursuit, faisant le lien entre l’évolution des milieux naturels et ses propres observations sur le terrain.
« Le soir, surtout après 19h, en traversant les zones marécageuses, on peut voir les grenouilles sauter dans tous les sens. Malheureusement, la déforestation et la faim nous poussent à cultiver la brousse, détruisant ainsi leur habitat naturel. Pourtant, ces grenouilles nous aident en éliminant les moustiques responsables de la malaria », explique-elle.

Les grenouilles consomment de grandes quantités d’insectes, ce qui en fait les agentes parfaites de la lutte antiparasitaire naturelle! Elles jouent un rôle important dans le contrôle des populations d’insectes, y compris des moustiques porteurs de maladies comme la malaria et la dengue. En contrôlant ces populations d’insectes, les grenouilles contribuent indirectement à prévenir la transmission de ces maladies mortelles.
De son côté, Linda Mushayuma, une jeune activiste passionnée, a témoigné de sa découverte et de sa nouvelle détermination.
« Je suis très heureuse d’avoir participé à cette activité. J’ai appris tellement de choses sur les grenouilles que j’ignorais totalement. Aujourd’hui, je veux inviter toutes les jeunes filles à rejoindre cette lutte pour la protection de ces êtres essentiels qui disparaissent peu à peu », confie Linda.
Les grenouilles, des amies des paysans
Pour renforcer la sensibilisation, Badibabusire Albert, également engagé dans l’action, a tenu à déconstruire certains préjugés profondément enracinés dans les communautés rurales.

« Contrairement à ce que beaucoup pensent, les grenouilles ne mangent pas les plantations. Elles préfèrent se nourrir d’insectes nuisibles qui ravagent les cultures. Elles sont donc des alliées précieuses pour nous, agriculteurs », rappelle-il avec insistance.
Mais l’importance des grenouilles ne s’arrête pas à l’agriculture. Plusieurs espèces d’amphibiens recèlent également un potentiel médical considérable, comme l’explique Albert en ajoutant :
« Pour nous, paysans qui utilisons encore la médecine traditionnelle, les grenouilles sont des ressources incroyables. Leur disparition serait une perte inestimable. »
Quant à Daniel Cirimwami, il revient sur le choix stratégique d’organiser la sensibilisation à Mbobero, précisant :
« Nous avons ciblé les cultivateurs de cette zone car ils vivent chaque jour au contact des marécages. Ce sont eux qui peuvent constater, parfois sans le savoir, la disparition progressive de ces espèces rares. »
Hélas, cette menace est bien réelle. Jacques Assumani, point focal de Save The Frogs en RDC, tire la sonnette d’alarme. Il explique que la déforestation, la pollution des eaux par les plastiques et pesticides, ainsi que les effets du changement climatique, détruisent les habitats naturels des grenouilles, mettant leur survie en péril. Il insiste :
« La disparition des grenouilles serait une double tragédie : écologique, car elles sont des piliers de nos écosystèmes, mais aussi sociale, car nos communautés dépendent d’écosystèmes sains pour leur survie. »

Peut-on encore sauver les grenouilles ?
Pour répondre à ce défi, des solutions existent. Jacques Assumani en appelle à la responsabilité collective.
« Sensibiliser les populations, restaurer les habitats naturels, promouvoir des pratiques agricoles durables et lutter contre la pollution sont autant de gestes essentiels. Chaque action, même petite, compte », dit-il.
Heureusement, l’espoir n’est pas vain. À Kalengera, dans la périphérie de Bukavu, une autre campagne de sensibilisation menée auprès des exploitants de marais montre que le changement est possible. Par la mobilisation communautaire, l’éducation et des gestes concrets, il est encore temps de sauver ces espèces emblématiques.
Et pour ceux qui souhaitent en savoir plus, rendez-vous demain à l’ISDR-Bukavu de 12h à 14h pour une conférence exceptionnelle sur le thème :
« Sauvons les grenouilles, protégeons nos écosystèmes ». Une occasion unique de devenir acteur de la protection de notre patrimoine naturel.
Elie CIRHUZA
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