SUD-KIVU : « Faire du mal à l’ONAPAC, c’est faire du mal aux producteurs », Interview

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Depuis la prise de la province du Sud-Kivu par le mouvement AFC/M23 le 15 février 2025, l’Office National des Produits Agricoles du Congo ONAPAC, se trouve en difficulté d’assurer pleinement sa mission régalienne qui est celle, d’accompagner techniquement des agriculteurs dans 21 produits d’exportation dont le café, le cacao, le thé et autres. Cela est dû suite à un pillage systématique dont cette entreprise agricole a été victime à la même date.

Dans la journée du 15 février de cette année en cours, ONAPAC a été victime d’un acte de vandalisme de la part des inciviques. La direction condamne cet acte barbare et irresponsable qui a conduit à la destruction de plusieurs bureaux et entrepôts, de perte des documents administratifs ainsi que du vol des matériels de bureau et outils de travail. Margé les efforts fournis pour relever le défi, cette entreprise de l’Etat congolais travaille dans des conditions inadéquates.

Dans une interview accordée à la rédaction de Mkulima.net, le lundi 04 Août 2025, le directeur provincial de ONAPAC au Sud-Kivu, François Kambale Nzanzu, a fait part de l’état de lieu de cette entreprise quelques mois après le pillage qu’elle a subi.

Mkulima média : Bonjour monsieur le directeur et merci de nous recevoir !

Directeur ONAPAC : oui bonjour et merci à vous pour l’intérêt que vous portez à notre égard !

Mkulima média : Quelle est la mission de l’ONAPAC ?

Directeur : Nous sommes une entreprise étatique et notre mission essentielle c’est l’encadrement des producteurs du café, de cacao et consort. Nous avons normalement plus de 21 produits sous notre contrôle. C’est nous qui certifions les produits avant exportation, donc nous émettons les bulletins d’analyse, le certificat de qualité et toutes les factures nécessaires ainsi que tous les documents pouvant orienter l’exportateur jusqu’à la destination.

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Mkulima : vous dites que vous aviez été victime d’un pillage systématique,Qu’est ce qui c’était réellement passé en date du 15 Février dans vos installations ?

Directeur : Tous les laboratoires ont été pillé, les chaises, les portes, les ordinateurs ont été emportés, la machine de deparchage’’ traitement du café a été dépiécée mais aussi le stock des certains produits agricoles a été volé. Ce qui nous a rendu incapable d’assurer notre mission régalienne.  Actuellement nous sommes à l’extérieur. Nous sommes en train de chercher des partenaires afin qu’ils nous viennent en aide pour que les activités reprennent normalement.

Mkulima : comment l’entreprise survie pendant cette période exceptionnelle de crise sécuritaire ?

Directeur : Dieu nous a envoyé un opérateur économique’’ Rebuild Women Hope’’, une coopérative agricole basée à Idjwi, avec laquelle nous avons signé un contrat.  Il nous a aidé à acheter les pièces de notre machine de déparchage du café qui a été dépiécée par les inciviques. Actuellement l’usine marche Bien. Bien que nous soyons démunis de tous nos moyens de locomotion, mais quand même le café des planteurs d’Idjwi et ceux de Kalehe, est en train d’être acheté par cet opérateur économique. Donc malgré la souffrance, malgré notre situation de précarité, nous faisons quand même d’effort pour satisfaire tant soit peu ces producteurs, et nous en tirons aussi un peu de gain. 

Mkulima : On sait que depuis la prise des grandes agglomérations du Sud-Kivu et du Nord Kivu, beaucoup d’agents de l’Etat n’ont pas été payés quiddes agents d’ONAPAC?

Directeur : Nous nous sommes heurtés également à cette difficulté. Le gouvernement central avait envoyé le salaire pendant 2 mois depuis le début de cette crise.

Mkulima : Et comment vous faites pour payer vos agents ?

Directeur : grâce au contrat que nous avons signé avec Rebuild Women Hope, nous parvenons à rémunérer les agents, mais aussi nous avons sous loger certains producteurs du jus et ces ressources nous aident à maintenir la vie du personnel. Actuellement on ne connait pas le barème normal par agent, mais le peu que nous trouvons, nous leur donnons.

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Mkulima : ces agents sont au nombre de combien ?

Directeur : Nous avons 92 agents, dont 25 femmes.

 Mkulima : pendant un temps vous aviez décidé de vendre certains actifs de l’ONAPAC pour relancer les activités, cela a-t-il a abouti ?

Directeur : c’est ne pas nous qui vendons, mais plutôt les autorités actuelles dans les zones sous contrôle M23. Elles ont mis en place un cabinet de vente de nos biens et nous attendons que les moyens soient à notre disposition pour la relance des activités.

Mkulima  : Quel est l’état de lieu des producteurs du café actuellement?

Directeur: c’est regrettable, car faire du mal à ONAPAC c’est faire du mal aux producteurs. Ils sont en train de partager la même peine que nous, car c’est nous qui les encadrons, cherchons même des clients potentiels pour eux. La situation est compliquée, les banques sont fermées pourtant le business du café se fait au travers les banques. Voilà comment cette peine est partagée entre l’ONAPAC, le secteur bancaire ainsi que les producteurs du café.

Mkulima : Au vu de la situation actuelle, le café produit au Sud-Kivu est vendu sur quel marché ?

Directeur : Nous avons usiner 170 tonnes de cafés pendant cette saison. Notre partenaire Rebuild Women Hope exporte le café pour le vendre au Japon, en Angleterre, Londres et dans d’autres pays de l’occident.

Mkulima : le café produit localement, est-il consommé à Bukavu et les périphéries de la ville?

Directeur : Ça c’est un grand défi que nous avons toujours lancé à la population. Nous n’avons pas la culture de consommer le café au Congo comme c’est le cas de l’Ethiopie. Pourtant si on consommait notre café on pourrait exporter une petite partie. Quand vous produisez votre café et vous ne le consommez pas, quelque part vous devenez faible sur le maillon économique. Nous devons commencer à consommer ce café pour que notre produit soit compétitif.

Mkulima : Avez-vous des recommandations à formuler à l’endroit des autorités par rapport à cette situation qui impacte négativement la vie des producteurs agricoles au Sud-Kivu ?

Directeur : Nous sommes apolitiques. Mais tout ce que je peux dire à nos autorités locales, c’est de continuer à nous soutenir. L’or vert c’est un produit qui est assimilé aux minerais et son encadrement demande aussi l’appui politique.  Aujourd’hui 1 kilos du café se vend à 5 dollars. L’exportation d’un centenaire c’est 19200 kilos, ce qui donne 96000 dollars, pourtant ce pays peut faire plus de 500 centenaires par an. Si cette production n’est pas encadrée, elle risque de nous échapper. Nous plaidons pour un encadrement de la part de nos autorités afin que ce secteur agricole soit toujours efficace et que les producteurs continuent à se retrouver.

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Mkulima : la rédaction vous remercie pour votre accueil. 

Directeur : c’est nous qui vous remercions pour l’attention et l’intérêt accordés à notre entreprise et restons toujours à votre disposition.

Pour rappel, ONAPAC, est une entreprise agricole de l’Etat congolais qui a pour mission principale, d’encadrer les planteurs, de superviser l’usinage et l’entreposage des produits agricoles, ainsi que d’assurer le suivi des transits jusqu’à l’exportation.

Maguy Bapolisi


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