Sud-Kivu : Des tonnes de planches et braises exploitées, le PNKB dévasté !

chargement au port Kasheke vers Goma. Braise PNKB Photo socive environnement
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La question de la gestion calamiteuse du Parc national du Kahuzi Biega préoccupe plus d’un écologiste dans la province du Sud-Kivu. Chaque jour, des camions, des pirogues motorisées et des bateaux transportant des planches de toutes sortes, braises et troncs d’arbres issus du PNKB font des navettes vers les grands centres commerciaux notamment à Bukavu, Goma et parfois vers le Rwanda. Au Sud-Kivu, cette situation oppose depuis plusieurs mois les écologistes aux gestionnaires de cette réserve mondiale qui semblent rester « indifférents » face à la cruauté que subit le PNKB.

Des espèces d’arbres y sont abattus illégalement pour fabriquer des planches de construction et à usage menuisier et cela d’une manière continue. Ces planches fabriquées seraient en train d’être vendues dans le territoire de Kabare, notamment dans le groupement d’Irhambi Katana et qui sont transportées la nuit à différentes destinations par des commerçants.  Plus de 200 000 sacs de braises sont exportés par semaine dans des grandes villes de l’Est.

« Une cargaison de camions chargés et pleins de sacs de charbon de bois, de planches estimés à 15 camions chaque 2 jours est visible dans le marché de Kabamba en territoire de Kabare. Ces camions bien chargés par semaine dont le lundi et vendredi sont acheminés à Bukavu sans compter la cargaison de chargement des planches et braises dans les bateaux qui quittent chaque jour de Kasheke, Tchofi, Luzira, Tchibanda, kalehe et Bushushu en provenance du parc national de kahuzi biega à destination des endroits moins connus », révèle Mugisho Laurent de la société civile environnementale du village de Kabushwa dans le groupement d’Irhambi Katana/territoire de Kabare.

Du côté de Kalehe également, la société civile environnementale fait état d’une exploitation abusive et à grande échelle qui s’effectue dans le PNKB. Les acteurs de la Société Civile de Kalehe renseignent qu’il s’observe au PNKB la coupe des arbres à grande échelle et le braconnage. Selon le sondage mené par cette structure citoyenne, il s’est dégagé que les statistiques vertigineuses sur l’abattage des bois dans le parc national de kahuzi Biega côté chefferie de Buhavu en territoire de Kalehe font peur et donnent froid dans le dos. La Société civile environnementale de Kalehe cite par exemple les braises, les planches et les bois qui sont trafiqués à partir du port d’accostage des bateaux à Kasheke, groupement de Mbinga-Sud.

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« Les statistiques seront mises à la disposition de tout le monde incessamment dans un mémorandum en cours sur l’exploitation de ce site mondial. Les actions suicidaires qui menacent de disparition ce patrimoine mondial qui est le PNKB et sa diversité faunique et floristique sont intensifiées plus du côté du territoire de Kalehe qu’ailleurs » déplore le président de la SOCEARUCO Kalehe, Dévot Magadju.

Il invite les organisations nationales et internationales œuvrant dans la protection de l’environnement et des droits humains, à entreprendre ensemble une action concertée de grande envergure en vue de pousser les autorités à prendre des mesures idoines pour la protection des ressources forestières du PNKB.

En effet, depuis un certain temps la toile est en ébullition, des débats controversés vont dans le sens d’interpeller les dirigeants congolais et les organisations partenaires ayant dans leurs responsabilités la gestion du PNKB et d’autres aires protégées.

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Des réactions des structures citoyennes et écologistes fusent de partout condamnant les partenariats publics privés signés « unilatéralement » entre le gouvernement Congolais et des organisations privées, qui selon les structures citoyennes, ne parviennent pas à bien protéger ce patrimoine mondial en beau père de famille. Les structures de la société civile et des organisations regroupant les peuples autochtones ne cessent de condamner avec fermeté la gestion jugée « médiocre » de l’ICCN et la Wildlife Conservation Society (WCS) qu’elles estiment avoir abdiqué leurs responsabilités de protéger le PNKB.

D’une autre part, les environnementalistes dénoncent ce qu’ils qualifient d’irresponsabilité avec laquelle le gouvernement congolais gère ce patrimoine d’intérêt mondial en l’abandonnant sous la gestion « irrationnelle » des partenaires « non » fiables.

Les incessantes dénonciations de la société civile environnementale

Dans ses multiples et incessantes déclarations, la société civile environnementale ne cesse de faire observer avec amertume que le Parc National de Kahuzi Biega est en train de s’éteindre sous les yeux « impuissants » et « complices » des autorités Congolaises. Pourtant une ressource si importante qui devrait être protégée par les peuples autochtones et les riverains ainsi que le monde entier.

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« Le PNKB se trouve abandonné par ceux qui devraient le mettre à l’abri des destructeurs et mettre en valeur les acquis de ce patrimoine d’intérêt communautaire et international. Nous remarquons également une tendance tacite de vouloir écarter timidement et gentiment les peuples autochtones pygmées dans la gouvernance actuelle de ce patrimoine » dénonce Josué Aruna, président provincial de la société civile environnementale.

La société civile environnementale   affirme que les autorités locales des milieux environnant le Parc National de Kahuzi Biega ne sont pas impliquées totalement dans la gestion de ce bien d’intérêt commun.

« Ces gens ont un problème sérieux, moi personnellement j’aurais souhaité que ses gens puissent demander aux peuples autochtones pygmées PAP et la communauté locale qui vit autour de ce patrimoine mondial de leur donner des informations qui sont quand même vérifiées », a-t-il recommandé, faisant allusion aux gestionnaires du parc qui ne collaborent pas régulièrement avec les riverains. 

Une guerre ouverte entre WCS et la société civile environnementale, un arbre qui cache la forêt

La société civile environnementale dans la province du Sud-Kivu, a plusieurs fois exprimé ses inquiétudes sur le réel rôle joué par les gestionnaires du PNKB à l’occurrence l’ICCN-WCS. Elle a toujours dénoncé sa non implication dans la protection de l’environnement du parc. Cependant certaines indiscrétions au sein de la WCS, font croire que la société civile environnementale n’est pas objective. Nos sources sous anonymat au sein de WCS parlent de l’instrumentalisation et du chantage dont useraient certains acteurs de la Société Civile environnementale pour désorienter les peuples autochtones.

‘’ Ces gens qui combattent la WCS ne sont pas vraiment justes. La société civile environnementale refuse de reconnaître qu’elle est réellement impliquée dans la gestion pourtant l’on peut voir leurs photos sur les sites et pages Facebook de la WCS et ICCN. Ça c’est la malice des congolais qui, lorsque leurs intérêts ne sont pas assouvis, développent un acharnement vis-à-vis des autres. Il y a aussi des insatisfaits qui sont lésés dans ce partenariat public privé signé entre l’ICCN et la WCS et qui voient leurs robinets fermés. C’est comme ça qu’ils se livrent à l’instrumentalisation et aux campagnes de diabolisation,’’ fait savoir une source proche de l’ICCN et WCS qui s’est exprimé sous l’anonymat.

Le PNKB, cet éléphant qui s’écroule

La situation va de mal en pire au PNKB sous l’œil impuissant des autorités de la province et des gestionnaires de ce patrimoine. En dépit des taxes perçues, un silence coupable étonne tous les environnementalistes qui ne comprennent pas ce qui se passe. On peut citer dans cette chaîne la division de l’environnement, le fonds forestier national, le ministère de l’environnement et les autres services de mobilisation de recette de la province. Ceux-ci prélèvent des taxes sur le transport, la vente de ces produits illégaux sur le marché au port et au dépôt d’entreposage et même sur le tonnage de bateau et véhicule qui le transportent et pérennisent la déforestation.

Les tronçonneuses qui rasent tout à leur passage

Les peuples autochtones ne sont pas les seuls auteurs matériels de la destruction du Parc National de Kahuzi Biega tel que le prétendent certains acteurs de la société civile environnementale. Des informations à notre possession font mention à l’usage des tronçonneuses qui sont utilisées pour abattre des arbres de toutes les dimensions.

L’activisme des groupes armés est un engin majeur dans la déforestation de ce patrimoine national et international. Alors que dans la partie Nord, l’exploitation de minerais fait bonne affaire et entretient des conflits avec les groupes armés, au Sud-Kivu, l’exploitation des bois et différentes biodiversités au PNKB constitue en grande partie l’économie des groupes armés qui écument ce coin de la RDC. Bien outillés en matériels de dévastation, avec des armes à leur possession, ces gens exploitent sauvagement les arbres dans cette réserve mondiale.

Le WAzalendo (réservistes de l’armée), une menace pour le PNKB

Reconnus il y a peu comme des forces négatives, les Wazalendo associés à d’autres groupes armés (hutu et tutsi) imposent la loi du talion et personne n’ose parler ni se mettre sur leur passage. Selon quelques sources discrètes proches des gestionnaires du PNKB, la dégradation du parc a pris une tournure inquiétante et dans peu de temps on pourra assister à la disparition du parc si des décisions sérieuses ne sont pas envisagées par le gouvernement Congolais et ses partenaires mondiaux.

’Ces hommes dits des réservistes de l’armée, sont dans le parc pourquoi ? Qui les a laissés là-bas ? Pourquoi on n’a pas encore décidé de leur cantonnement loin du PNKB ? Je pense que leur présence autour du parc n’est pas ignorée par le gouvernement congolais. Des groupes armés étrangers comme les Hutus et Tutsis qui opèrent avec toute quiétude dans le parc et qui possèdent de tronçonneuses sont aussi connus. Cette responsabilité revient au gouvernement congolais de faire le nettoyage aux alentours de ce bien d’intérêt mondial et non le contraire,’’ révèle une source qui a requis l’anonymat.

Le monde veut plus du PNKB qu’il ne lui donne

Pourtant, ce parc, reconnu mondialement pour sa biodiversité et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, mérite d’être protégé. Il abrite des espèces uniques, comme les gorilles de plaine orientale, qui risquent de disparaître si des mesures de conservation ne sont pas mises en place de manière urgente.

« Nous les acteurs environnementaux nous demandons s’il n’y a pas une complicité quelque part car même les initiatives de recherche de solution que nous prenons et que nous leurs proposons ne sont pas même prises en compte. » s’exclame un responsable Adelipo.

Le parc national de Kahuzi Biega traverse la période sombre de son histoire. Depuis l’existence des ancêtres une telle exploitation des arbres ne s’est jamais produite dans le parc. Des braises planches qui sont coupées et renvoyées vers des grandes villes est considéré comme une stratégie savamment montée pour faire disparaître ce patrimoine mondialement connu.

Les activistes environnementaux manifestent leur regret et projettent des activités de sensibilisation communautaires pour ramener la communauté et le peuple riverain sur l’importance de vivre avec le Parc en le protégeant contre toute menace.

« Bien que la communauté ne comprenne pas, nous avons amorcé une série de sensibilisation pour expliquer aux gens pourquoi et comment on doit protéger l’environnement. Je me pose toujours la question de savoir si les gestionnaires du PNKB et ses partenaires manquent des moyens ou des fonds pour combattre ces mouvements qui déstabilisent le Parc et sa biodiversité ? Pourquoi une telle exploitation méchante peut-elle saboter le patrimoine reconnu mondialement et rien n’est envisagé pour sauver ce trésor rare ? Nous ne comprenons pas le rôle des partenariats privés que le gouvernement signe avec des tiers aussi longtemps cela ne nous fait pas avancer, » s’inquiète Mugisho Laurent, Président de la société civile environnementale dans le village de Kabushwa.

 D’aucun s’interroge si le partenariat signé entre l’ICCN et la WCS l’a-t-il été pour juste faciliter la disparition du PNK ? Si oui pour quel intérêt et à qui ça va profiter ?

Certains agents de l’ICCN qui se sont confiés sous l’anonymat pour raison de leur sécurité soutiennent que le PPP signé entre l’ICCN et la WCS est une aubaine car ceci concourt à l’amélioration de leur condition de vie et est venu apporter une impulsion dans la gestion rationnelle dans la lutte contre la destruction du PNKB.

« Ce partenariat marque un tournant décisif dans la gestion de notre parc, en mettant un terme aux pratiques corruptives et aux détournements qui ont longtemps gangrené notre institution. Il est indéniable que la mise en œuvre du PPP a créé un climat de changement, mais ce changement est très douloureux pour certaines personnes qui avaient fait du PNKB leur domaine d’exploitation personnelle et familiale. Ces individus, habitués à vivre de la corruption, au détournement de fonds et à la fabrication de fausses données sur la biodiversité, ne voient pas d’un bon œil l’instauration de normes de travail rigoureuses. Il est clair qu’ils cherchent à saboter les efforts entrepris pour des intérêts égoïstes, en manipulant les Peuples autochtones Wambuti pour alimenter leur résistance », lit-on dans une déclaration envoyée au sein de notre rédaction par certains agents de l’ICCN.

A ces agents d’ajouter :

« Nous constatons avec préoccupation que certains acteurs, soutenus par des organisations qui prétendent défendre les droits de l’homme et l’environnement, utilisent les Wambuti comme des pions pour contrecarrer les avancées du PPP. Ces personnes, qui souhaitent continuer à se faire graisser la patte avec l’argent du Parc et recevoir des salaires sans se présenter au travail, se cachent derrière un discours de gestion inclusive, pour cacher les véritables motifs de leurs rancœurs : la vache laitière ne leur sert plus le lait »,

La déforestation du PNKB, une nouvelle guerre économique à l’Est,      

La population qui vit à proximité du Parc de Kahuzi Biega déplore les actions dévastatrices commises par les ennemis de ce patrimoine mondial. Cette dernière craint les conséquences néfastes qui les attendent dans les jours avenir si rien n’est envisagé. Selon les révélations faites par certains acteurs de la société civile contactés par la rédaction Mkulima.net, les acteurs pointés du doigt dans la destruction du PNKB seraient le peuple Hutu, des Rwandais Tutsi, les Hundes, Nande et certains peuples autochtones pygmées.

 Une commercialisation des planches bien entretenue

Le marché pirate Tounane qui se trouve à Mabingu a facilité l’extermination des arbres du PNKB. Il faut signaler la naissance d’un nouveau marché installé vers Bakubagana à proximité du village de Kabushwa et Mabingu. L’implication de l’autorité provinciale mettrait fin à ces marchés pirates qui contribuent à la déforestation du parc.

Dans l’entretien que la rédaction a réalisé avec les peuples riverains du PNKB, ces derniers confirment qu’ils ne sont plus chauds à partager des informations sur les activités qui se passent dans les parcs craignant des représailles de tous les côtés.

« Fournir des informations sur le PNKB et sur les activités anthropiques y menées qui pèsent sur le parc et sa biodiversité, expose les activistes environnementaux et les habitants aux représailles voire même à la mort ou soit de voir leurs conceptions incendiées par ces qui exploitent le parc sans aucune inquiétude » confie notre source.

Un appel vibra est lancé à l’endroit du Gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de l’Environnement, l’invitant d’agir rapidement pour trouver des solutions afin de protéger ce joyau naturel.

« Sans une action décisive, le parc pourrait subir un déclin irréversible, compromettant à la fois l’écosystème local et les moyens de subsistance des communautés environnantes », interpelle Masumbuko Shamutwa Justin coordonnateur et représentant régional des peuples autochtones pygmées et acteur    environnementaux d’autour du PNKB.

Contactés, la Wildlife Conservation Society (WCS) et l’Institut congolais de la Conservation de la Nature (ICCN) se sont réservés de tout commentaire. 

Voulant en savoir plus sur les efforts du gouvernement pour restaurer la sécurité dans cette partie, nous avons tenté de joindre le ministre provincial de l’intérieur,  mais nos efforts n’ont servi à rien. 

Ntabola Babwine

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