Les agriculteurs de la Province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo, payent le lourd tribut face aux perturbations climatiques. Parmi les perturbations signalées par ces derniers, figurent l’appauvrissement du sol en matière organique, les inondations des champs, signalées à différents endroits ainsi que plusieurs cas de sécheresses dans d’autres endroits. Les agriculteurs de la partie Est de la RD Congo sont en mauvaise posture face aux perturbations climatiques qui influencent négativement leur production.
Selon les témoignages recueillis par Mukulima média, nombreux produits champêtres pourrissent à cause de plusieurs perturbations dues aux conditions climatiques défavorables. Les opérateurs agricoles attendent des orientations des chercheurs pour comprendre les enjeux climatiques du moment.
Runingu, plus de 900 hectares détruits
Barrage de Runingu emporté par les eaux Photo Huruma Voté
Nous sommes à Runingu sur la route nationale numéro 5, à plus de 99km au Sud de la Ville de Bukavu. Ici dans la nuit du 17 avril 2024 de pluies diluviennes ont emporté le barrage qui irrigue une partie des champs des paysans. Les périmètres actions, Ndunduma, Luhadete, Kaningu, Kavuguvugu tous ont été inondés par des eaux. Les agriculteurs de ce coin regrettent le temps, les moyens engagés pour préparer leurs champs. Pour eux, l’Etat congolais devrait intervenir.
« Le barrage qui irrigue plus de 919 Ha a été détruit suite à une forte pluie de ce 17 avril 2024. La Rivière Runingu a débordé et a tout emporté à son passage. Dans ce cadre nous invitons tous nos partenaires et le gouvernement congolais de nous venir en aide dans l’urgence pour voir comment sauver les cultures qui sont déjà dans l’étape d’irrigation, »
alerte Huruma Voté Alexis, gérant de la Coopérative Paysanne de Développement Agricole de Runingu, COOPADARU.
Quand le soleil tue ce qui a échappé à la pluie
Sur la même route, à Bwegera les agriculteurs font face à une autre forme de catastrophe en plus des eaux. A Kakamba, c’est le soleil qui calcine les cultures qui ont résisté aux pluies.
«Face aux pluies abondantes d’une part et la grande température qui sèche des cultures d’autre part, les agriculteurs ne savent plus à quel saint se vouer »,
regrette Kalimba Eric membre de la coopérative agricole CADRC (Coopérative Agri Eleveur pour le Développement et Résolution de Conflit), de Bwegera dans la plaine de la Ruzizi.
Les agriculteurs du territoire de Walungu ne sont pas épargnés par ces calamités. A Kamanyola dans le groupement de Kashenyi, les tomates, les haricots pourrissent dans les champs. Cette situation constitue un coup dur pour les agriculteurs.
« Nous avons repiqué nos tomates et voilà que suite à ces pluies en répétition nous sommes obligés de traiter régulièrement et tout est emporté par les eaux »,
s’inquiète Masumbuko Migendo Jean, président d’une organisation paysanne des agriculteurs à Kamanyola dans la plaine de la Ruzizi.
Des routes de dessertes agricoles inondées
En plus des champs inondés, des culture séchées par le soleil, des routes de dessertes agricoles qui mènent vers les champs sont quasiment coupées et inondées. Les usagers éprouvent d’énormes difficultés d’accéder facilement à leur récolte et ceux qui y arrivent ne parviennent pas à cheminer leurs récoltes vers les centres de collecte.
« Le site de Kaboya vers le pont à Kamanyola où la plupart des agriculteurs exercent leurs activités champêtres a été envahi par les pluies diluviennes provoquant d’inondation et la destruction de nos cultures. Nous pensons que nous courons le risque de perdre presque toutes nos cultures et qu’à la prochaine saison A nous risquons de manquer de la semence, »
regrette Jeannette Chandazi Nabintu cultivatrice dans la plaine de la Ruzizi à Kamanyola.
Katana n’est pas épargné
Le groupement d’Irhambi Katana situé à environ 45 km au Nord de la ville de Bukavu a toujours été considéré comme un des greniers du Sud-Kivu. Situé entre le lac Kivu et le Parc National de Kahuzi Biega, ce groupement constitué de 6 villages a un sol riche d’origine volcanique, un climat propice à l’agriculture. Malgré sa position géographique, il est aussi victime des inondations qui envahissent les champs des agriculteurs.
« Les pluies abondantes fréquentes dans le territoire de Kabare précisément en groupement d’Irhambi Katana, ont laissé à leur passage d’énormes dégâts. Les champs de haricot et maniocs ont été ravagés et d’autres ensevelis dans le sol. Des maisons d’habitation se sont écroulées suite à la colère des rivières »,
renseigne Innocent Muhiganya président de la Nouvelle Dynamique de la Société Civile NDSCI, dans le territoire de Kabare.
Et d’ajouter
« Nous osons croire que les agriculteurs risquent de manquer la semence à la saison prochaine ».
« Katana est confronté à ce phénomène d’inondations depuis un temps, »
reconnait Emery Murhula, président du Bureau de coordination de la société civile, noyau d’Irhambi Katana.
Il attribue cette situation au déboisement permanent dans le Parc National de Kahuzi Biega.
« Selon les chercheurs, le problème serait lié au déboisement des arbres au niveau du parc de Kahuzi Biega vu que les eaux qui inondent les maisons à Katana proviennent du parc de Kahuzi Biega. Nous continuons à craindre que les dégâts se multiplient dans les jours à venir »,
craint Emery Murhula.
Dans les hauts plateaux de Kalehe les agriculteurs pleurent leurs plantes emportées par les eaux de pluie. Alors que la période du sourire pointait à l’horizon et que les agriculteurs dans le territoire de Kalehe s’attendaient à une moisson abondante, surgit une forte catastrophe qui s’abat sur leur champ.
« Nous cultivons dans les haut-plateaux, mais nous sommes en train de regretter tous nos efforts consentis. Nos champs ont été dévastés par des rivières qui ont débordé et elles se sont déversées dans nos champs emportant tout ce qu’elles pouvaient. Elles ne nous ont laissé que des pierres et sable aux champs »,
déplore Mushagalusa Mashauri habitant de Kalehe dans le groupement de Bushushu
Face à ces dégâts, des agriculteurs veulent voir plus d’orientation sur les attitudes à prendre. Pour eux les chercheurs devraient se pencher sur cette situation en donnant des propositions pratiques.
Abordés par la rédaction de mkulima.ekagri.com, les opérateurs agricoles dans la plaine de la RUZIZI lancent un SOS auprès des autorités et invitent les chercheurs dans le domaine de la climatologie à faire des propositions urgentes pour faire face à cette situation. Ces derniers pourront permettre de tester différentes hypothèses sur les causes et les conséquences de la perturbation climatique pour enfin dicter un comportement à adopter pendant un certain moment. Dans le cas contraire, c’est la menace directe de la souveraineté alimentaire.
« Nous agriculteurs dans la plaine de la Ruzizi décrions le silence coupable des chercheurs qui doivent éclairer les agriculteurs vis-à-vis des enjeux climatiques,»
déplore Kalimba Eric.
Repenser le calendrier agricole
Rigobert Birembano est chercheur et géographe en aménagement et environnement. Il enseigne des cours liés à l’environnement, climatologie et d’autres dans plusieurs universités et instituts supérieurs de la RDC et d’ailleurs. Pour lui, l’agriculture est la principale victime de la perturbation climatique.
« Lorsqu’on remarque que les cultures sont en train de pourrir dans le champ suite aux excès d’eaux due aux pluies intempestives, on sous-entend la perturbation du calendrier agricole. L’agriculture étant l’une des principales victimes de la perturbation climatique, face aux aléas climatiques extrêmes et à la pression anthropique (humain), les exploitations agricoles dans différents territoires se retrouvent de plus en plus fragilisées pendant cette période où des pluies sont abondantes »
indique-t-il.
Pour ce chercheur, l’attitude à prendre normalement dans différents milieux ou dans la plaine que ce soit dans les haut-plateaux de Kalehe, on devrait déjà mener les études et enregistrer des pluies pour arriver à faire glisser le calendrier agricole de manière à ne plus se laisser de pratiquer l’ancien calendrier.
‘’Il y a des gens qui commencent à faire déjà de labour et ils sèment au mois de septembre. Les haricots poussent et après un certain temps ils peuvent tout perdre et recommencer à zéro. Il faut mener les études et déterminer le vrai rythme pluviométrique et faire glisser le calendrier. Peut-être qu’on ne pourra plus commencer en septembre on peut glisser pour aller un peu en octobre tout en avançant vers février. Donc, on n’a pas à imaginer mais il faut faire des études et si on ne le fait pas, on peut continuer à perdre et ça peut être un point noir dans le cadre de la sécurité alimentaire »,
propose le chercheur Birembano.
Le semis direct une alternative pour protéger le sol
Les temps que les solutions seraient en court d’être envisagées par la recherche, il serait préférable de faire le semis direct, « où soit on peut faire la culture en bande alternée avec de courbes de niveau pour les terrains à forte pente et on crée de Terrasse », recommande Birembano.
Ces terrasses sont stabilisées par la végétation et ces végétations sont soit avec les herbes soit avec beaucoup d’arbres. Pour des érosions qui font rage dans des milieux montagneux, il est à noter que la RD Congo n’est pas le seul pays à avoir des montagnes.
« La chine a beaucoup des montagnes plus que la RD Congo avec des pentes plus élevées mais elle produit du riz inondé dans ces régions montagneuses parce qu’ils ont modifié le paysage et construit des Terrasses », ajoute Birembano.
Il est recommandé aux agriculteurs de ne pas évoluer en ordre dispersé, il faudra plutôt qu’ils se fassent encadrer par des experts agronomes qui doivent aider à comprendre l’agriculture raisonnée.
« Mais aussi ils doivent favoriser les échanges avec les agriculteurs et chercheurs extérieurs pour savoir quelle attitude à prendre face à la sélection de semence, l’ajustement du calendrier agricole et sur l’orientation des techniques agricoles appropriées », conclu Birembano.